Les gorges de Prâlouvre sont peu connues. Le Chenail y serpente entre le mont du Virazeil et celui de la Tagne. C'est un petit cours d'eau, son débit permet tout juste aux passionnés de kayak de s'adonner à leur sport préféré au printemps et en fin d'automne. Mais cette petite rivière prend sa source dans les violentes montagnes des Pyrénées, et de manière imprévisible elle se gonfle parfois en un torrent puissant qui emporte tout sur son passage.

Nombreuses ont été les embarcations broyées par ces flots soudain déchaînés, mais l'on ne compte, curieusement, qu'un seul disparu depuis 1941. Tous les autres naufragés furent retrouvés saufs sur l'une des trois plages du lac des Claunes, certains après avoir parcouru jusqu'à 6 kilomètres en état d'inconscience.

La plupart de ces rescapés ont déclaré avoir perdu connaissance au moment d'un choc contre un rocher, sans toutefois pouvoir préciser si ce choc avait réellement eu lieu. D'autres se sont sentis portés jusqu'au bout par le courant, sillonnant de manière incompréhensible entre les rochers affleurants. Et plusieurs affirment avoir vu s'interposer devant eux, alors qu'ils se voyaient projeter vers un mortel obstacle, une forme d'eau ayant silhouette de femme. La raison pour laquelle on parle peu de ce curieux cours d'eau est simple : "le tourisme, ça fait fuir le miracle. "

Pour en revenir au disparu, on notera que c'était un gars de Basse Normandie, installé dans la région à la fin des années 60. On le disait renfermé. Il passait beaucoup de temps à sillonner les gorges du Chenail, mais le faisait toujours à pied.

 

 

 

 

 

 

Entre Collin et Maurat, tous les 17 ans, en début de printemps, la roche s'écarte derrière la cascade du Geai. La dame des lieux paraît alors à l'entrée de cette ouverture, et attend debout, une nuit durant. Au matin, un jeune homme arrive, de fort loin dit-on, et pénètre à la suite de la fée dans la grotte qui se referme bientôt. On raconte qu'un jour, à l'époque de la révolution française, des villageois s'interposèrent devant le jeune homme. La dame repartit donc seule dans son monde minéral, et les récoltes furent de piètre qualité durant les 17 années qui suivirent. Depuis, dans les villages alentours, on s'organise pour avoir un jeune homme de remplacement au cas où l'autre faillirait ...
Cette fée se manifeste trop peu pour qu'on lui ait donné un nom. C'est la "Dame de la Cascade". Elle ne rayonne pas, ses habits sont sombres. Si on n'en parle pas beaucoup dans le pays c'est parce que l'on à rien à en dire, ou presque. Mais il arrive que certains s'interrogent sur l'âge des jeunes gens, toujours de 17 ans semble t-il.

 

 

 

 

Les fées des lacs, dit-on, sont les plus jolies. Ce n'est là qu'un jugement d'humain, de peu de valeur en soi. Toujours est-il que, près de Reylac, tous s'accordent à décrire Dame Pascale comme une superbe créature, à défaut de pouvoir expliquer ce nom curieux pour une fée. Mais ils ne font que répèter ce que les enfants leur ont dit.

Depuis toujours, les gamins des environs vont au lac, bravant l'interdiction formelle de leurs parents. L'étendue d'eau n'est pas très grande, il s'agit plutôt d'un étang. Les arbres immenses qui bordent les berges en couvrent d'ombre une grande partie, et le fond est tapissé de branches en décomposition. Les enfants n'y vont donc pas pour s'y baigner, mais pour se cacher dans les taillis et apercevoir la Dame, ainsi que les nymphettes aux ailes diaphanes qui l'accompagnent.

Mais s'ils racontent ensuite les ballets nautiques et aériens dont ils furent témoins, ils se taisent sur la description vestimentaire de ces belles. Sans doute craignent-ils la censure imbécile...
Un jour l'enfant meurt et devient adulte. L'adulte ne va plus au lac. Il l'oublie ou le craint. Les chasseurs en disent : - C'est "Son" Territoire. Nombre de fanfarons, décidés à pénétrer le domaine de la Dame, furent retrouvés errant dans les bois, hébétés, vêtements en lambeaux ou nus parfois. D'autres se sont simplement perdus. Dame Pascale n'a pas une réputation de méchante fée, mais elle sait écarter les intrus.

 

 

 

 

 

L'une des premières choses qui surprend, en pénétrant dans la grotte des Mauves, est la dominance des couleurs rouges et bleues. Le vert n'existe pratiquement pas. Il semble absorbé par on ne sait quoi.
A mesure que l'on pénètre plus avant, force est de constater un changement dans les rochers. Ils paraissent comme avoir été fondus alors que les roches de l'entrée sont tailladées et saillantes. Les géologues parlent d'une modification de la structure cristalline de la roche.

Mais c'est dans la dernière salle que se présente le phénomène le plus étrange. A cet endroit, la Luette disparaît entre les rochers pour s'enfoncer vers une destination encore inconnue à ce jour. Aux nombreux bruits d'eau de cette modeste rivière souterraine viennent s'en ajouter d'autres, plus étonnants et très distincts. Des rires, des bribes de chants, des paroles incompréhensibles. Des experts ont décidé que ces voix légères et cristallines n'étaient que le fruit de résonnances entre l'eau et les parois de la grotte. Puis ils se sont désintéressés de la question. D'autres ont cherché à vérifier ces affirmations. A plusieurs reprises, avec des appareils sophistiqués, ils ont enregistré les sons de la salle des voix. Les écoutes ont fait ressortir des clapotis, des échos, la voix des hommes présents ... Mais aucun rire, aucun chant, aucune parole incompréhensible.

 

 

 

 

Le bois des Nouans est certainement le plus joli de la région. Tout y est motif à ravir la vue, l'ouïe et l'odorat. Mais ce n'est pas un paradis sur terre. Chaque année, plusieurs accidents graves, souvent mortels, viennent entâcher le charme de ce site. Le terme "accident" rend sceptiques les habitants alentours qui font remarquer que chaque victime est atteinte d'un grand nombre de fractures alors que l'endroit n'est pas particulièrement montagneux. En outre, ce sont uniquement des femmes (ce qui ennuie particulièrement les gens chargés des statistiques sur les accidents de la région). Sachant, de plus, que ces femmes sont toutes étrangères aux villages environnants, vous aurez un aperçu global de la situation.

L'origine de cette histoire remonterait à 1926, année où Jean-François Laoec, fuyant l'insoucience et la débauche de la ville en ces années folles, vint s'installer à Nouans le Bas. Ecologiste avant l'heure, il oeuvra pour rationaliser l'exploitation des ressources naturelles locales, jusqu'alors pillées, et se passionna pour la forêt. Durant 3 ans il y passa une grande partie de son temps, essentiellement près de la Cascade des Fourmes où il trouvait, disait-il, un plaisir au-delà du réel. L'apparition d'une étrangère, en septembre 1929, modifia le cours des choses. Ici certains disent qu'elle repartit avec lui, et d'autres qu'on retrouva le corps de l'homme fracassé au bas de la cascade.

Les plus initiés racontent que Hildegarde, fée venue d'une forêt noire du Nord (fée allemande, précisait-on durant la guerre de 39), n'eut aucun mal à arracher l'âme de Jean-François à l'amour de la trop douce Eliane, fée des Nouans. Elle ne lui laissa que son corps, brisé et sans vie.

Les amours et les vengeances des fées sont souvent incompréhensibles à l'humain. Mais ce que l'on ne comprend pas n'est pas forcément inéluctable de conséquences. Les femmes des Nouans et des environs portent sur elles une croix curieuse dont les deux côtés représenteraient l'opposé, le vrai et le faux, le bien et le mal, les deux faces d'un choix ... Et la pierre ronde centrale serait comme un générateur maintenant ces deux états distincts. Dame Eliane n'a jamais, semble-t-il, tourmenté une porteuse de cette croix. Qui peut dire pourquoi ?